Bruno Lussato

L'Entretien

Je continue à lire L'oiseau Peint de Jerzy Kosinski. Ce qui m'épouvante est moins les horreurs des nazis, au moins partiellement compréhensible par la doctrine folle de Hitler, que les tortures de masse perpétrées avec un évident plaisir par la totalité d'une population de paysans roumains, à l'encontre d'un enfant de sept ans qui a le malheur d'avoir les yeux de braise et les cheveux noirs, un gitan ou un juif en somme. Cet enfant, on l'a compris, c'est Kosinsky lui même, et on sait que le récit n'est pas exagéré. C'était ainsi. La population approuvait les nazis, dont elle disait qu'ils ont été envoyés par Dieu, afin qu'enfin justice soit rendue et que les déicides soient  enfin châtiés et massacrés jusqu'au dernier.

 Or, autour de nous, souvenons-nous de la collaboration active de la majeure partie de la population française, les dénonciations, son zèle qui dépassait même celui des nazis dans la définition de l'identité juive. De ces intellectuels et de ces écrivains dévoyés qui ciraient les bottes de l'occupant et le poussaient à la surenchère dans la barbarie.

En relisant l'Entretien pour en tirer de nouveaux extraits choisis, je m'aperçois que le caractère immonde de certaines pages, qui terrorisa mon fils de quinze ans lorsqu'en cachette il feuilletait les albums plus tard destinés à la BNF, ces pages maudites, qui me faisaient honte, sont bien édulcorées par rapport à ce que décrit Kosinski. Cette réalité que l'on amortit pour des populations  abruties par le show-biz, les séries B américaines et les feuilletons de vacances français, Cette réalité occultée par les horoscopes, par la crise,  par les trente-cinq heures, la violence urbaine, la grippe A, ex-porcine, -ex mexicaine. On ne faisait pas tant de chichis autrefois pour parler de la grippe espagnole, mais aujourd'hui, on a de ces sollicitudes touchantes !

Partout dans de vastes zones du monde, sont perpétrées sous les regards distraits d'une foule de bons occidentaux chloroformés, des atrocités de masse dignes de Kosinski. Se détachant de la masse amorphe, mollle, gélatineuse, comme dirait Salvadoir Dali, des chefs de factions opposées visent la destruction de l'ordre ancien. Les rouges et les blancs, se livrant un combat acharné dont la population sort piétinée et écrasée, comme les grenouilles de la fable de La Fontaine.. Les rouges fanatiques nihilistes,  antilibéraux de tout poil, ennemis du commerce et du capital, détruisent tout ordre viable et sous couvert de pacifisme et d'écologisme, détruisent tout sur leur passage : hommes, animaux et végétaux. Les blancs, eux, islamistes radicaux, ils sont fermement décidés à imposer leur ordre à l'ensemble de la planète, et à asservir ou à massacrer les non-alignés, les dhimmis.