Des séductions de l'esclavage
C'est Toqueville qui disait, je crois, qu'il n'y aurait pas tant de tyrans, si les esclaves n'y trouvaient leur compte. Mon expérience des entreprises, m'a montré, qu'en dépit de leurs revendications à plus d'autonomie et de décentralisation, bien des cadres répugnent à une liberté qui entraîne des responsabilités et des risques de sanction. La centralisation a ceci de bon, est que pourvu que le subordonné obéisse servilement aux ordres de son supérieur, il sera relativement en sécurité. Ceci est encore plus vrai dans les mégaentreprises publiques et les bureaucraties, où le cerveau droit se voit dispenser de tout jugement de valeur, et le cerveau gauche accomplit avec régularité ses tâches formalisées. (cf. la théorie bicamérale de Jaynes, in Virus).
Le best-seller de Jonathan Littell, Les Bienveillantes, décrit fort bien cet état d'esprit, dénoncé par Hannah Arendt et confirmé expérimentalement par les expériences Milgram. On y constate que lorsque l'homme est dédouané par l'autorité et dispensé de tout jugement de valeur, il devient aussi impitoyable qu'un robot sanguinaire. Il faut cependant tenir compte de ce que toutes les cultures n'ont pas cette propension à la servilité, elles la rejette au delà d'un seuil inacceptable de barbarie. Littell observait avec raison que si l'Allemagne et la France , se distinguaient par une soumission consentie à l'horreur, les Danois et les Italiens se révoltaient et refusaient les directives imposées par les Nazis, à la grande indignation de ces derniers.
La dialectique soumission-domination se trouve à l'état pur dans le rapport entre maître et esclave, actif et passif, seigneur et valet. Elle trouve également une illustration dans la "dhimmitude", cet état de soumission imposé par les musulmans respectueux du Coran envers les infidèles, qui doivent payer par un tribut, et des marques de subordination, le privilège d'être toléré.
Commentaires