CHRONIQUE
Le voyage de Tatiana au pays des mingei
Tatiana, en plus d'une amie très chère est désignée pour prendre la succession du Musée du Mingei (Western mingei-kan) le département le plus abouti de la Fondation Lussato-Fedier, à UCCLE (Bruxelles, Belgique).
Le pari initial était de devenir le premier musée du Mingei au monde, hors Japon. Or pour cela, il nous fallait devancer la collection Montgomery, que ce collectionneur un peu marchand mit trente ans à rassembler et qu’il met en vente pour la coquette somme de 1,5 millions de dollars. Outre le fait que je n’aime pas la composition de cette collection, bien qu’elle soit publiée dans de magnifiques livres et catalogues et présente dans tous les ouvrages qui parlent du sujet, je lui reproche de ne s’être transformée en ensemble muséal que récemment. Mais elle conserve les traces de son origine : une collection, pas un musée. Cela est dû me paraît-il, à l’absence des critères qui font la différence :
Une collection est rassemblée pour le collectionneur, et obéit à se goûts. Ce n’est que lorsque la croissance ininterrompue porte l’amateur à un degré de complétude tel, que tous y trouvent leur compte. C’est ainsi que Montgomery privilégie les poteries magnifiques d’époque Edo, principalement des assiettes très variées et d’une beauté de décor remarquable. Cet ensemble est imbattable et c’est lui qui apparaît dans les ouvrages et font la renommée de la collection. Les textiles en coton (vêtements en cuir et surtout en coton imprimé en stencil.) sont sur- représentés. En revanche il est difficile d’y retrouver des oribe ou de simples objet faits « par le peuple et pour le peuple.
Une collection est rassemblée pour le collectionneur, et obéit à ses goûts. Ce n’est que lorsque la croissance ininterrompue porte l’amateur à un degré de complétude tel, que tous y trouvent leur compte ce qui est la marque d’un musée ouvert. C’est ainsi que Montgomery privilégie les poteries magnifiques d’époque Edo, principalement des assiettes très variées et d’une beauté de décor remarquable. Cet ensemble est imbattable et c’est lui qui apparaît dans les ouvrages et font la renommée de la collection. Les textiles en coton (vêtements en cuir et surtout en coton imprimé en stencil.) sont sur-représentés. En revanche il est difficile d’y retrouver des oribe ou de simples objets faits « par le peuple et pour le peuple
Un musée au contraire doit être édifié non pas sur les goûts du conservateur ou du fondateur, ni son agrément personnel, avec en vue le public, et autant que possible le plus varié possible, comprenant aussi bien les experts les plus érudits que les profanes qu’un hasard a amené dans le musée et qui éprouvent une lueur, une étincelle, une révélation, qui les incite à se cultiver, à aller plus loin dans la connaissance. Cela peut même aller jusqu’à un véritable choc qui aboutisse au discernement. D’après Socrate, il est important de distinguer le bon du moins bon et le moins bon du mauvais. Bien qu’en matière d’Art et d’Artisanat, ce tri soit forcément subjectif, on aboutit souvent à une concordance pour les œuvres anciennes qui ont subi l’épreuve du temps et décanté l’éternel de la mode.
Je répéterai inlassablement les paroles d’André Nakov : un musée c’est une grange peinte en blanc contenant une vingtaine de chefs d’œuvre absolus. La quantité et le fatras sont en effet ennemis de la qualité. Le plus beau musée d’Art chinois du monde est le musée du Palais de Formose (aujourd’hui Taiwan). La grande salle des peintures comprend tout au plus vingt pièces sublimes. Le fonds immense est ainsi montré par rotation, ce qui préserve les œuvres de la lumière toujours néfaste, et incite le public à revenir. Il faut de ce point de vue ranger à part les musées documentaires qui doivent tout montrer. C’était le cas de mon musée du stylo. Il montrait tout, y compris de véritables monstruosités, afin de faire ressortir les évolutions, les périodes creuses comme les âges d’or. J’avoue néanmoins que lorsqu’on me vola la presque totalité de cette collection à vocation encyclopédique, je poussai un soupir de soulagement. J’avais honte en effet de montrer la majorité des pièces, faites pour flatter le goût dépravé de milliardaires sans culture.
Une règle impérative d’un musée et de ne pas admettre des spécimens tels qu’il puisse en exister ailleurs de meilleurs. Les pièces exposées doivent porter témoignage d’un style, d’un genre, d’une époque. Seul le sublime, l’incomparable peut créer un choc. Qu’on ne croie pas que noyer une œuvre géniale au milieu d’autres médiocres permette par effet de contraste de faire ressortir sa supériorité. Ce n’est pas faux et je me souviens qu’au Palais des Papes d’Avignon on était envahi par une masse d’œuvres d’une honnête facture. Et dans toute cette masse anonyme et ennuyeuse, une seule peinture faisait oublier le reste, une seule était dotée de cette magie indicible qui emplis d’une admiration stupéfaite le spectateur heureux, puits sans fond de sensations fortes et subtiles. C’était un Botticelli, une vierge à l’enfant.
Le Musée Jacquemart-André a la spécialité de montrer l’art d’une époque, mais le manque de fonds ne lui permet pas d’avoir deux ou trois pièces géniales. Mais bien souvent, noyées dans le tout venant, on peut passer à côté. Il faut alors écouter Picasso.
Un bon tableau exposé au milieux de mauvais, devient moins bon. Un tableau médiocre, entouré de tableaux de haute qualité, devient meilleur
J’ai toujours pensé que les musées contemporains ont pour origine des collections très exigeantes issues de l’enthousiasme et les fonds de mécènes éclairés et la coopération d’un seul marchand de référence, par catégorie. Les grands marchands, sont les meilleurs initiateurs à condition qu’ils se sentent les seuls à intervenir. Ils assurent alors la responsabilité de leur choix et en même temps forment le goût de leurs clients les plus fidèles. Ainsi Heinz Berggruen, Daniel-Henri Kahnweiler, Ambroise Vollard ont formé des générations de grands collectionneurs. Plus près de nous la célèbre collection Yves St. Laurent, Pierre Bergé a été édifiée avec la complicité par quelques grands marchands. Alain Tarica a été un de ceux-là, dont la probité et la compétence atteignent un sommet. Lorsque nos collectionneurs se sont passés de ces guides sûrs, se fiant à leur instinct, ils ont acheté des faux et des médiocrités, comme le faux Della Robbia, que j’ai eu l’imprudence d’acheter (et qui m’a été repris) sans tenir compte de la provenance.
Les marchands d’un niveau mondial, ont une réputation à défendre et leurs prix sont raisonnables lorsqu’ils savent qu’ils seront intégrés à l’existence d’un grand ensemble muséal. Ce sont eux qui constituent la base des achats des grands musées comme le Metropolitan ou la Fondation Getty. Lorsque ces musées achètent aux enchères ou dans des successions, ils se font toujours assister ou représenter par leur marchand de référence. Par exemple, ma collection de partitions musicales était édifiée par Albi Rosenthal et lorsqu’il y eut conflit d’intérêts avec la Pierpont-Morgan Library, il refusa de m’assister et me le dit honnêtement.
Pour la collection wagnérienne, ce fut Hans Schneider de Tutzing, qui était le plus cher et le plus compétent, dénigré par les autres plus accessibles. Ce fut pourtant lui qui me procura les pièces les plus importantes est m’apprit tous les secrets de la bibliophilie musicale. C’était une sorte de Tenscher, le plus cher aussi, par rapport à d’autres rivaux, doté d’un fort égo, entouré d’un respect général un peu intimidé.
Un exemple de probité est donné par le spécialiste français du Mingei, Philippe Boudin. Alors que nous consentîmes, mon mécène et moi-même à acheter des pièces fort chères, il renonça à nous les proposer après mûre réflexion. On peut avoir mieux, me dit-il. Il faut attendre.
Il est des cas où un collectionneur peut surclasser n’importe quel expert. C’est ainsi que Ludwig, jadis spécialisé dans l’art médiéval moyenâgeux allemand, revendit ses parts dans une firme allemande de chocolats pour se consacrer uniquement à la fondation de son musée. Il alla directement à la source, connut intimement tous les artistes les plus représentatifs, comme Rauschenberg ou Rothko, et en obtint d’immenses concessions car ils comprirent qu’ils allaient coopérer au musée d’Art contemporain le plus important au monde. Et ce fur le cas.
De même, comment voulez vous demander son avis à n’importe quel expert, sur un manuscrit à peintures médiéval, ou une première édition comme la Bible de Gutenberg, alors que les marchands comme Tenscher ou Clavreuil, ce dernier représentant la troisième génération d’une dynastie connue de grands libraires, dominent de très loin la connaissance de leur domaine ?
Voici mes chers internautes, la problématique à laquelle je suis confronté. J’ai le bonheur d’être suivi par le patron de la fondation de UCCLE, mais Socrate Papadopoulos, et Alexandre Pugachev, de leur propre chef, cherchent des experts, essayent, alors qu’ils n’ont ni le temps ni la compétence, d’acheter en faisant des affaires, sans me faire confiance… Sans réfléchir que j’ai toujours édifié des ensembles premiers ou second au niveau mondial… Mes proches en sont indignés et désolés. Et encore trop heureux qu’il ne me soupçonnent pas de poursuivre des buts indélicats !
L’aube est là et je me trouve à Deauville. Les nouvelles de ma petite personne, vous les trouverez dans le corps du blog, sous la rubrique : « A bâtons rompus »
Commentaires