Signaux faibles
Le rapport signal-bruit est un paramètre important qui a un impact décisif sur la désinformation. Celle-ci fleurit en effet, lorsque les messages sont noyés dans le magma: bruit de fond, signaux parasites, formes aléatoires, informations contingentes. Il subsiste assez de matériau pour deviner qu'il s'agit d'un message signifiant, mais pas assez pour en saisir le sens. Les chercheurs issus de la Gestalt Theorie nous ont appris que lorsque des pertes ou des irrégularités affectent une forme, nous avons tendance à combler les unes et à raboter les autres afin d'obtenir "une bonne forme".
C'est tout le secret des rumeurs. On fabrique des messages cohérents, satisfaisants pour l'esprit, lorsque l'information qui nous parvient est incohérente, fragmentaire ou indéchiffrable. C'est ce qui nous fait entrevoir des personnages dans des nuages ou des objets morbides dans des taches d'encre; L'effet devient désinformation, lorsque la bonne forme, est pour nous, celle qui correspond à un noeud sémantique. On voit alors ce qu'on croit, et on croit ce qu'on nous fait croire, le on étant une construction fantasmatique dictée par l'intérêt, un stérotype, ou un noeud sémantique (idéologie, modèle théorique, canon religieux).
Le type même de signal faible est le fameux fil blanc apparu dans les replis de la chevelure de Ségolène Royal lors de son débat télévisé. Dans l'incapacité de déchiffrer sa provenance et sa nature (fil transparent éclairé par les projecteurs? ) on supposa qu'il conduisait à une oreillette cachée, en dépit de l'invraisemblance de cette inférence.
Un autre exemple peut être consulté dans You tube à "Sarkozy est un sale juif". On voit dans cet extrait de Canal + des "jeunes" vociférant d'après les sous-titres ajoutés à l'image : Sarko-facho. Mais si l'on pousse le son et qu'on fait attention, on peut entendre; Sarko-sale juif ! Ceux qui ont entendu cette dernière insulte en tirent deux inférences : les "jeunes" sont antisémites, Canal + a déformé le message afin de ne pas susciter de réaction anti-africaine dans une population exaspérée par la violence des banlieues. Mais l'essentiel a été occulté par cette recherche de l'information manquante : la vision de ces individus d'origine maghrébine, le visage tordu de haine, et manifestement étrangers à la culture et aux moeurs de leur pays d'accueil. On se prend à souhaiter qu'ils regagnent leur terre d'origine. Le tabou qui frappe l'occultation de cette haine, la désinformation provenant de l'amalgame "voyou haineux et fanatique" - jeune d'origine africaine des banlieues - jeunes des banlieues - jeunes, explique l'indignation de l'intelligentsia lorsque le ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy, a désigné ces individus menaçants et délinquants, par le seul terme adapté : racaille. Le fait d'appeler un chat un chat, a heurté les "sensibilités" de gauche, qui pratiquent le glissement sémantique. Ce dernier explique qu'elles aient étendu cette appellation à l'ensemble des habitants des banlieues qui en fait est victime de "la racaille", ce qui n'est pas le cas des bobos des beaux quartiers.
Ces phénomènes sont inquiétants par leur extension à une large fraction des Français et dénote une emprise puissante de Medusa. Nicolas Sarkozy affronte de ce fait, non pas un parti politique concurrent, mais un noeud sémantique solidement enraciné dans la fraction la plus agressive de la population et notamment des jeunes facilement manipulable par l'intelligentsia. C'est ce qui a conduit Matthew Paris dans The Times à estimer que le président a été élu trop tôt.(cf. Le courrier International N°864, p.17) Avant de'embrasser le libéralisme, la France doit perdre tout espoir d'une solution alternative, écrit Paris. Raymond Barre m'avait déclaré en 1981, les Français ne réagiront pas tant qu'on ne sera pas arrivés à l'os.
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