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Friday, 14 August 2009
CHRONIQUE
ÉTAT DE DISGRÂCE
C'est toujours d'état de grâce qu'on parle : la grâce de Dieu, celle du prince, ce miracle qui fait sauter les procès verbaux ou les remises de peine.
Mais c'est d'un phénomène d'essence politico-médiatique qu'il est question dans ce billet. La rumeur veut qu'un président fraîchement nommé se voie accorder le bénéfice du doute pendant les six premiers mois. C'est le fameux état de grâce. Mais il ne fonctionne que dans des cas très limités. Il faut en effet que le vainqueur d'une élection soit plébiscité, qu'on on attende de lui une salvation, mais aussi qu'il parvienne à un consensus dans l'opinion public, une résolution des forces contraires. Ce n'est possible que dans le rêve qui s'affranchit des règles du tiers exclu et suit la logique des contradictoires de Stéphane Lupasco ou... de la physique quantique où un chat peut être vivant et mort tout à la fois. Ce serait le contraire d'un homme élu ou nommé par lassitude (Vincent Auriol, les présidents Ford et Carter) ou porté par un puissant charisme étayé éventuellement par la contrainte (Napoléon, Hitler, De Gaulle, Mitterrand) Ceux-là ne connaissent pas d'état de grâce donc de disgrâce.
On peut comparer ce qui suit l'état de grâce à un soufflet refroidi, ou encore à un cimetière hanté. A minuit les promesses anciennes, les espoirs suscités, les promesses non tenues, se lèvent comme des spectres et se
muent en accusateurs.
On l'a compris, c'est à Obama que nous faisons allusion. Sa prestance, son soutien par les intellectuels de gauche qui s'arrogent le monopole de la moralité et culpabilisent leurs adversaires, le symbole qu'il incarne d'une Amérique multiraciale, et sa maîtrise du verbe ont fait illusion en période électorale. On a d'aileurs eu tort de prétendre qu'il a tout promis. Il n'a rien promis mais il est resté dans le flou. Chacun pouvait y trouver ce qu'il voulait. Parvenu au pouvoir la brume s'est dissipée et les américains se sont réveillés un jour avec un homme de gauche dont les convictions heurtaient la culture de son pays. Certes, la sécurité, les soins prodigués à toute le population, demain la couverture de chômeurs réduits à la mendicité, qui serait contre? Mais c'est oublier un fait essentiel : la bureaucratie, le gaspillage et les privilèges des administrations tentaculaires qui se substituent à l'initiative individuelle. Une des conséquences perverses, que nous connaissons bien en France, est qu'au lieu de travailler et d'essayer de s'en sortir, les chômeurs sont incités à prendre des arrêts maladie, à saboter leur travail pour se faire licencier, à militer pour travailler moins et moins longtemps. Pis encore, les entrepreneurs n'ont pas la possibilité de choisir leur personnel. En lisant ces lignes de bonnes âmes poussent des cris d'orfraie et prétendent qu'il ne s'agit que de pratiques condamnables certes, mais exceptionnelles. Mais nous savons tous que c'est de l'intox et qu'entre les congés payés, fériés, (en Algérie les week-ends ont trois jours) maternité, paternité etc... la France est la patrie de la paresse. Mais cela nous convient parfaitement.
Or s'il est vrai que la droite est synonyme d'injustice et de cruauté pour les vaincus, il n'en est pas moins avéré que la gauche est un désastre et pour les vainqueurs et pour les vaincus. L'Etat tout puissant et ses mensonges, l'appel à la haine pour les riches, la dictature d'un corps de fonctionnaires obtus et rigides, mettent tout le monde d'accord en dispensant la pauvreté. Cela, la France l'accepte, ce pays dont les deux mamelles sont la jalousie et le mépris, mais point la prosaïque Amérique, patrie de la liberté. On se souvient d'un Mitterrand qui disait qu'il ne serait pas le président d'un million de chômeurs. Qui lui demanda de rendre compte? Mieux encore, Mitterrand entrant les mains nues au Panthéon et en sortant une rose miraculeusement apparue dans la main !
Mais l'Amérique ne saurait admettre l'intervention de l'Etat bureaucratique dans ce qui est affaires privées. Deux traits caractérisent sa culture : 1. L'attachement à la nation et à ses symboles, que l'on soit mexicain ou WASP pionnier venu d'Europe sur le Mayflower.
L'ÉTAT DE DISGRÂCE DANS LES AFFAIRES
Ce que j'entends par affaires, est aussi bien l'entreprise que la grande administration qui est une sorte de pont jeté entre le privé et le politique. Autrement dit le comportement des grandes bureaucraties est toujours le même qu'elles règnent dans des agences étatisées ou des multinationales. Il suffit qu'au sein de ces monstres oeuvrent des hommes pouvant déterminer la carrière de leur subordonnés selon leur bon plaisir, et à plus forte raison des leaders charismatiques agissant sans contre poids, pour qu'on voit apparaître états de grâce et de disgrâce. A la différence que l'état de grâce n'est pas limité à six mois, délai imposé par le rythme des campagnes électorales qui impose des contraintes.
C'est pour lutter contre l'arbitraire des barons, et l'existence d'un état de grâce ou de disgrâce, que Colbert institua la bureaucratie à la française, limitant jusqu'à la paranoïa le pouvoir discrétionnaire des décideurs.
Je vais vous donner un exemple personnel sur la manière de tomber en disgrâce.
J'étais le conseiller de GM*** depuis plus de dix ans et participai d'une manière très étroite à la réorganisation de sa compagnie. Cet homme génial avait fondé de toutes pièces une des plus importantes entreprises de sa branche. Je m'entendais fort bien avec lui, et il me poussa à investir massivement dans le Centre Culturel des Capucins entraînant ainsi le départ de Rhone Poulenc et de Digital, qui ne supportaient pas une telle préférence. Je finis par accepter, car il était difficile de résister à la cordialité, au charme et à l'affection d'un tel personnage. Il finit ainsi par représenter les trois quarts de mon chiffre d'affaires, et les séminaires se déroulaient à la satisfaction générale.
Le soir de mes soixante ans, Olivier Pelat invita Haberer, les Bettencourt, les Beregovoy (une autre victime de l'état de disgrâce) et GM et son épouse. Vers minuit GM m'emmena au Sacré Coeur dans une rangée de sièges à mi chemin entre l'autel et la porte d'entrée. Il dirigea la paume de ses mains vers le ciel et dit d'un air inspiré : "c'est là ! ". Au retour il fit des remarques sur ma grosse Mercédès (achetée d'occasion !) et me dit "vous me coûtez trop cher, les temps son durs. J'arrêterai ma collaboration, et je vous donnerai un délai de grâce (sic ! ) de six mois.
Lorsque je lui représentai que par contrat il s'engageait jusqu' à une date qui me permette de couvrir les investissements consentis pour lui, il posa de telles conditions qu'elles étaient impossibles à réaliser. Par exemple il exigea que les conférenciers fassent don de leurs droits sans contrepartie, ou qu'on les remplace par des vendeurs munis de vidéocassettes. Il voulait aussi que l'on mette à la tête des Capucins un de ses enfants totalement incapable d'assumer cette tâche, pour utiliser un euphémisme. D'où le dialogue suivant qui restera toujours gravé dans ma mémoire :
- Vous ne pouvez pas résilier ce contrat avant la date de 2002.
- Je suis d'accord.
- Alors?
- J'arrête de vous payer un sou dès demain et je vous mets en faillite
- C'est illégal.
- Et après? Vous me ferez un procès, vous le gagnerez dans dix ans, mais
d'ici là comment payerez-vous vos avocats?
Que vouliez vous répondre? J'étais fini. En fait je fus sauvé par le directeur de la Région qui bravant les interdits de GM me fit un nouveau contrat d'un an, de quoi souffler. Lindsay Owen Jones et Guy Landon, patrons de l'Oreal, prirent la succession et sauvèrent les Capucins. Je leur dois ma reconnaissance. Mais revenons-en au sujet de ce billet.
Après des décennies d'état de grâce j'étais tombé en disgrâce. Je sus plus tard ce qui s'était passé. Une femme, le bras gauche du patron, d'un dévouement à toute épreuve, et suscitant perpetuellement les confidences des gens, était crainte et respectée. Je lui trouvais un air de vieille corneille aux yeux perçants de prédateur. Elle avait ses têtes, vraie femme de pouvoir. Et elle n'aimait pas ma démarche humaniste de nivellement par le haut. Elle préférait la démagogie, le nivellement par le bas, qui avait de plus l'avantage de fermer l'entreprise sur elle-même au lieu de la rendre perméable à des conférenciers de l'extérieur et à des idées nouvelles. Elle joua sans doute un rôle important sur la décision de GM. Celle-ci dût beaucoup à des gourous dont il s'entoura. L'un d'eux numérologue lui apprit qu'en additionnant les lettres de nos initiales on obtenait un nombre néfaste à la compagnie.
Lorsque Marina m'exhorta à ne pas faire totalement confiance à ceux que j'aime sans restriction et en l'amitié qu'ils me portent (voir le billet " question de confiance") elle entend par là l'état de disgrâce qui pourrait me détruire moralement. Celui-ci est d'autant plus cruel que réconfortant était l'état de gräce qui le précédait. Les grands qui disgracient leurs favoris font bien souvent montre d'ingratitude. La devise d'un concurrent de Jean Grolier fait état de l'ingratitude des grands. Et l'exemple de l'état de digrâce dans lequel je suis tombé auprès des Poliakoff, n'est-il pas un signe éclatant de la plus noire des ingratitudes?
Friday, 7 August 2009
CHRONIQUE
LE GRAND ÉCART
Le sujet général de cette chronique a trait à la tendance du monde à pratiquer le grand écart entre le presque zéro et le quasi infini, écart qui échappe à toute logique.
UNE ANOMALIE MUSICALE
Prenons l'exemple très médiatisé de la découverte d'un manuscrit de Mozart, présenté comme un événement majeur. Un intéressant article lui est consacré par Christian Merlin qui à juste titre déplore la publicité faites autour de deux pages composées à 7 ou 8 ans. Cette partition a certes un intérêt pour un collectionneur d'autographes musicaux et un historiographe pointu, mais n'apporte aucune connaissance sur le compositeur, qui ne devait prendre sa personnalité qu'environ dix ans après. Mais paradoxalement le Figaro illustre une des pages par une grande image en couleur qui ne peut intéresser qu'un graphologue spécialisé dans les notations musicales.
Malheureusement un curieux phénomène de cécité musicale frappe M.Merlin. Avec complaisance il cite les principaux exemples de manuscrits sans intérêt mis sur le marché : en 2001 une minute de musique manuscrite de Beethoven acquise par la fondation Bodmer pour 400.000 FS . Cet achat était justifié en tant qu'autographe que collectionne la fameuse fondation dédiée à l'écriture. Pour le reste, M.Merlin cite des oeuvres sans intérêt de Puccini, de Sibélius, de musique baroque. Mais dans tout ce fatras pas un mot sur les fragments retouvés et joués par Wynn Morris, de la Xème Symphonie de Beethoven. Cette oeuvre a une importance fondamentale à plus d'un titre. Elle prolonge la tendance du dernier quatuor à aborder de nouveaux rivages. La Xème on l'a dit dans ce blog, fait plus qu'annoncer un changement de style. C'est d'un changement de compositeur qu'il faut parler, un Beethoven II qui est l'antithèse du Beethoven que nous connaissons et qui donne une idée de l'extraordinaire transformation initiée par le compositeur, dont l'esprit fourmillait de projets jusqu'au dernier souffle. Mais il y a autre chose : il fut à mon avis manquer de coeur, d'empathie, être musicalement sourd pour ne pas être ému jusqu'aux larmes par cet adagio qui tourne en spirale autout d'un chant qui développe la charge affective qui a valu la célébrité de l'adagio de la Sonate Pathétique. Mais quel progrès, quelle évolution admirable... la mélodie et les cercles concentriques qu'elle trace dans l'étang étal d'un orchestre épuré, musique empreinte de douceur, de résignation, dépourvue de toute emphase, est aux antipodes de tout développement, de toute dialectique, de tout ce qui caractérise Beethoven I. Lorsque le disque (en fait les disques, car il y eut deux interprétations, dont seule la première réussie) fit son apparition on aurait pu s'attendre à une couverture médiatique bien supérieure de celle dont les deux morceaux de Mozart ont bénéficié. Au lieu de cela, un silence gêné, de critiques aigres, une censure totale. Je compris que les musicologues et les critiques musicaux, ne voulaient pas admettre un Beethoven aussi hérétique, détruisant un modèle inscrit dans leur inconscient. Je suppose que c'est ce même ostracisme qui a poussé M. Merlin à occulter cette partition même parmi les oeuvres mineures. Triste.
Par ailleurs, très justement Christan Merlin fait observer le grand écart qui existe dans l'univers médiatique, entre la popularité d'oeuvres faciles et l'engouement pour d'autres réservées aux musicologues les plus pointus. A Radio Classique il est plus facile d'entendre des baroqueux médiocres que des sonates de Beethoven !
50° D'ÉCART
C'est celui que l'on vante entre les 45° à l'ombre de la piscine extérieure d'un grand hôtel de Dubaï et les -5° de la station de ski ou la patinoire de l'intérieur, où on vous donne des parkas et des fourures pour vous empêcher de geler.
Je me suis déjà indigné dans ce blog : en été par 35° à l'ombre, il faut se couvrir lorsqu'on entre dans un magasin ou un hôtel où l'air conditionné abaisse la température à 18°. En hiver, phénomène inverse : par une température extérieure de 0°, il faut supporter des magasins et des hôtels surchauffés à 28°.
ÉCARTS ARCHITECTURAUX
Restons-en à Dubaï, futuriste sanctuaire pour très riches sans culture.
Les bonnes âmes qui s’indignent à la vue de ces bourgeois qui conduisent une voiture sans passagers, pour eux tous seuls, ou qui utilisent des motos au lieu de bicyclettes et les exhortent à se priver d’air conditionné par 35° à l’ombre, ressemblent à ces écologistes fanatiques américains qui réclament un monde sans confort tout en bénéficiant d'un écart absurde et mauvais pour la santé, de 15° entre l’extérieur et l’intérieur.
Mais ce n’est pas encore le grand écart. Il appartenait aux émirs arabes de s’en approcher à Dubaï, où la pire provocation fait figure de publicité. « Vive le gaspillage climatique, vive la démesure, à bas les équilibres naturels » semblent-ils dire. Et croyez vous qu’une de ces croisades promptes à nous fustiger les clouent au pilori ? Non. On détourne pudiquement la tête.
LE PARADOXE BERLUSCONI
A propos de Silvio Berlusconi, le journal "La Tribune de Genève" s’interroge sur le grand écart entre sa côte de popularité dans son pays, en dépit de ses frasques et l’unanime antipathie de la presse internationale.
Il y a évidemment des succès là où la gauche a échoué à répétition, en premier lieu la gestion des urgences : l’organisation réussie du G8, la gestion efficace du tremblement de terre d’ l’Aquila, la diminution des immigrés clandestins… C’est de plus un archi-italien comme un prince de la Renaissance, la culture en moins, la grossièreté en plus. Mais on n’est plus à l’époque de Dante ni de Michel-Ange. « Les reality shows et les navets battent tous les records d’audience, les librairies sont désertes et le Milan AC compte plus que la Scala. Berlusconi est le reflet de cette Italie-là. »
Charles Poncet, un Italien de Genève vise juste quand il écrit « Les Italiens sont un vieux peuple sophistiqué et cynique. Ils préfèrent Berlusconi à la gauche et au diable les histoires d’alcôve. Il a l’appui d’une majorité, qui le trouve moins mauvais et pas plus pourri que ses prédécesseurs. »
A propos de Silvio Berlusconi, la revue s’interroge sur le grand écart entre sa côte de popularité dans son pays, en dépit de ses frasques et l’unanime antipathie de la presse internationale.
Il y a évidemment des succès là où la gauche a échoué à répétition, en premier lieu la gestion des urgences : l’organisation réussie du G8, la gestion efficace du tremblement de terre d’ l’Aquila, la diminution des immigrés clandestins… C’est de plus un archi-italien comme un prince de la Renaissance, la culture en moins, la grossièreté en plus. Mais on n’est plus à l’époque de Dante ni de Michel-Ange. « Les reality shows et les navets battent tous les records d’audience, les librairies sont désertes et le Milan AC compte plus que la Scala. Berlusconi est le reflet de cette Italie-là. »
Charles Poncet, un Italien de Genève vise juste quand il écrit « Les Italiens sont un vieux peuple sophistiqué et cynique. Ils préfèrent Berlusconi à la gauche et au diable les histoires d’alcôve. Il a l’appui d’une majorité, qui le trouve moins mauvais et pas plus pourri que ses prédécesseurs. »
L’anniversaire d'un condottiere à l’accession au pouvoir.
LE GRAND ECART POUTINE
Il est venu au pouvoir comme au hasard. Rien ne prédisposait ce fonctionnaire des services secrets à prendre la succession des Eltsine et des Gorbatchev. De petite taille bien que rompu aux arts martiaux, il n’était pas particulièrement charismatique : un homme froid et volontaire, n’éveillant pas la sympathie.
Et le voici devenu le plus grand condottiere de la Russie qui n’en manque pourtant pas. Il a créé son remplaçant, Medvedef dont en pensait qu’il prendrait goût au pouvoir et finirait par écraser son premier ministre, la fonction faisant l’homme, et disposant d’un clan puissant. Mais son ombre n’a cessé d’obscurcir l’éclat de son rival.
Jusqu’ici, la Russie passait par une période de vaches grasses et on lui attribuait ce succès, dû à une poigne de fer et à une politique nationaliste. Mais les vaches maigres ont succédé et servent de révélateur aux carences criantes du régime. A corruption, un chaos généralisé, le grand écart entre les richissimes et gaspilleurs oligarques et une population qui ne cesse de diminuer, et dont l’espérance de vie baisse régulièrement.
Poutine agissant en bon tzar, et utilisant son patron théorique comme court-circuit, s’en
est pris en un premier temps aux oligarques désobéissants. L’un a fini en Sibérie,
d’autres en exil, les derniers font leur cour et tremblent. Le peuple pourrait lui attribuer sa misère et ses résultats économiques désastreux.
Mais là ne se situe pas le grand écart. Il a réussi à concilier la tradition soviétique et l’héritage soviétique, pôles extrêmes impossible à faire coexister. Il célèbre la saga héroïque de ka seconde guerre mondiale, révère l’Eglise orthodoxe, fait le grand écart entre l’aigle impérial à deux têtes et l’hymne soviétique et en définitive représente une large fraction des croyances populaires.
Mais il n’en est rien. Jamais le Tzar n’a été aussi puissant, aussi respecté, aussi populaire. Cela est sans doute dû au fait qu’il est archi-Russe, qu’il incarne les rêves d’un peuple jadis pissant et cultivé. Grâce à lui, la Russie a repris sa place parmi les grandes puissances.
Mais là ne se situe pas le grand écart.
Il réussit à enjamber les deux pôles les plus distants qui soient : la tradition tsariste et l’héritage soviétique. Il célèbre les actions héroïques de la Seconde Guerre mondiale, honore l’Eglise Orthodoxe, rétablit l’aigle impérial à deux tête et l’hymne soviétique et par là il est assez représentatif aux croyances populaires. Détesté par les intellos européens, il est relegué hors de l’Europe et se tourne dès lors vers la Chine, l’Inde, voire l’iran. .
Monday, 3 August 2009
CHRONIQUE
REFLUX
Après le flux, le reflux. Mes idées péremptoires prennent de l'eau de toutes parts et je me prends à douter de ce que je pensais être des évidences.
LA CRISE
J'avais, vous vous souvenez, opté pour un scénario pessimiste en deux temps : 1. un désastre financier, avec des courants contraires : inflation à la base, déflation au sommet ; 2. une catastrophe au sens de René Thom, c'est à dire la rupture du cycle monétaire et la réapparition du troc comme système alternatif en attendant que des bassins monétaires ne s'édifient sur l'or. Or, Obama déclare que c'est la fin de la récéssion. Tant mieux, mais j'aurai aiguillé mes lecteurs sur une fausse route.
LE MINGEI
2. Non sans outrecuidance j'ai intitulé notre collection Mingei : Western Mingei Kan. Philippe Boudin, profitant de mon enthousiasme et de mon expérience, m'a désinformé. C'est ainsi qu'il me vendit une grand crochet de bouilloire de 47 cm Daikoku, me vantant son exceptionnelle quailté et son exceptionnelle dimension. Mais je viens de découvrir un véritable chef d'oeuvre chez Montgomery d'une taille de plus de 70 cm et d'un bois superbement veiné. Boudin a également limité les points forts de Montgomery aux collections de 23 assiettes, en oubliant les trésors des pièces modernes.
Dès le début, Marina l'a mis en garde contre l'envahissement de petites pièces mineures. Elle a milité pour de grandes pièces et des oeuvres modernes et originales. En pure perte. Il est temps à présent que cela change et que M.Boudin profite de sa présence au Japon pour équilibrer notre collection.Il est également indispensable qu'il trouve le temps de documenter les premières pièces que nous avons acheté, ce que font tous les antiquaires et tous les grands marchands.
J'ai ma part de responsabilité, car j'ai regardé d'une manière impartiale et superficielle le livre "Beauté Eternelle" et j'ai une responsabilité auprès de Oleg Deripasca, mon commanditaire. J'aurais découvert ainsi les lacunes dont nous souffrons et qu e Marina avait signalé à M.Boudin, en pure perte. Il nous manque de grandes pièces esthétiques originales et modernes : plats
et jarres. Nous sommes également très faibles en ce qui concerne les sculptures et les pièces votives, les enseignes et les sculptures d'animaux.
L'ILLUSION POLIAKOFF
Mais il est évident que ma plus grande désillusion, celle qui affecta ma santé et perturba mon équilibre, est le fruit de mon "wishful thinking" qui me conduisit à prendre mon désir pour une réalité. Désir de me sentir proche d'un jeune homme que j'admirais et pour qui j'éprouvais une affection presque dans limites, doublée d'une fascination mortifère, réalité du peu que je représentais pour lui.
En repassant le film de évènements, je visualise l’évolution des relations entre Axel et moi. Je fus d’emblée conquis par la distinction, l’élégance naturelle, la politesse extrême de ce jeune homme dont je portais l’archétype en moi depuis la fin de la guerre et dont je fis le portrait, avant que con père ne fût né. Il adorait se cultiver et me téléphonait presque tous les jours pour des cours d’initiation à l’art et à la systémique. Plus tard je lui présentai Eschenbach, je le vis vibrer à la Flûte Enchantée, et heureux de m’avoir pour coach lors de la visite de Nolde ou de Kiefer… Quels moment de pur bonheur … Cet homme si froid fut des rares à venir me voir alors que je gisais inconscient dans mon lit d’hôpital. Sandrine me raconta qu’il pleurait et que toute l’après midi il me veilla me prenant la main affectueusement. Mais il alternait ces moments, rares, d’affection avec de longues périodes pendant lesquelles, comme Kundry dans Parsifal il disparaissait sans qu’on puisse entrer en communication avec lui.
Au fur et à mesure que le temps passé, les deux faces de son comportement se radicalisèrent. Dans ces phases d’affection il devenait de plus en plus heureux de me voir, à la fin il avait même l’expression éclatante de félicité qu’il réserve à son père. Mais lorsqu’il se détournait il devenait insultant et méprisant, d’une manière d’autant plus humiliante qu’elle ne se cachait plus. Il donna ainsi l’ordre de ne pas révéler où il se trouvait afin que je ne puisse l’atteindre. Il m‘évita ostensiblement.
Perdu dans ces contradictions je lui demandai s’il voulait signer les quatre covenants : confiance totale, respect, ponctualité, permanence totale. Un jour après il me donna sa réponse : non. Et de fait non seulement il tint parole, mais il pratiqua les covenants à l’envers : méfiance , irrespect et humiliations, lapins, et inconstance. Il était particulièrement conscient de son attitude à la limite du sadisme : il m’avoua « si j’était à votre place, je romprais immédiatement tout contact ».
Je lui prêtais des qualités dont certaines étaient bien réelles. IL aima toujours pactiser avec les travailleurs de la base, et Carrefour où je l’introduisis, les ELS, manutentionnaires et caissières conservèrent de lui un souvenir attendri. En revanche il n’hésitait pas à couper les têtes des prétentieux. C’était pensais-je un gros travailleur, austère et autoritaire, orgueilleux et d’une intelligence foudroyante d’après une de ses directrices, Madame Sidonie Crapote une intrigante invétérée qui me faisait la cour.
Puis la crise éclata. La dernière fois que je le vis, chez moi, il se plaignit à moi qu’il doutait de mon affection et que jamais je ne mettrais ma vie en jeu pour lui, comme je le ferais pour Socrate Papadopoulos.
Entretemps, il tissa des liens qui se révélèrent des toiles d’araignées. D’une part il demanda à Marina de lui trouver un appartement auprès de moi et qui corresponde à des exigences très pointues. Marina lui trouva l’idéal, et j’insistai pour qu’il y habite. Il insista également pour prendre la succession de Socrate et créer une collection Poliakoff Lussato. On imagine ma joie. Je relançai les deux marchands de référence qui s’étaient privés de vendre leurs pièces les plus rares, pour constituer cette collection. Mais Axel ne se fia pas à moi et voulut l’avis d’experts confirmés ce que je fis aussitôt. Quelques amis pensent que même s’il ne me soupçonnait pas de prendre des commissions, cette double relation économique se superposa à celle du professeur respectable et du grand père affectueux. J’étais devenu une sorte de courtier. Et il méprisait ceux qui dépendaient financièrement de lui.
Là où je me fis des illusions, c’est lorsque je pensai qu’un jeune homme hédoniste, frayant avec la jeunesse dorée et désœuvrée de la côte, achetant des Ferrari dernier modèle, et participant comme Lindsay Owen-Jones à des compétitions automobiles, que tous courtisaient, et préoccupé par son apparence, que cet enfant gâté qui ne connut jamais la pauvreté, pouvait se lier à un vieux professeur sans fortune, malade et ne pouvant l’initier qu’à des activités artistiques, désormais inutiles.
Quant à son père, le charme personnifié, je crus à sa sincérité lorsqu’il me dit qu’il me considérait comme faisant partie de sa famille. En fait, je lui fis économiser beaucoup d’argent et cela joua un rôle. Mais il montra son mépris à San Remo, où il s‘abstint de me recevoir en dépit de ses premiers mails où il exprimait sa joie de me revoir. Que s'est-il passé deux jours après?
DU BLOG-NOTES
LA JUNGLE
Les magouilles, les grandes manœuvres ou politique et commerce s’entremêlent ,la loi du plus fort, les contrats obliques et les courtisans aux trajectoires sinueuses, ont existé de tous temps. « Dès que la prudence s’unit à la perspicacité, on vit naître une grande hypocrisie » disait une sentence chinoise de la Flûte de Jade.
Ce qui change aujourd’hui c’est le changement d’échelle entrainé par la mondialisation, et la brutalité d’un monde inculte, sans manières ni finesse. Dès lors, la faille devient gouffre, le gouffre abîme.
Que lisons-nous dans la presse internationale ? Que les arabes et les groupes américains se disputent la propriété (on dit aujourd’hui le contrôle) des hôtels de luxe, ceux qui plus que tous autres biens ne supportent d’être traités comme de vulgaires items en stock. On veut rénover le Crillon à grands frais, mais ce rafraichissement va-t-il être garant de la qualité d’un service personnalisé et de classe ?
On apprend une fois de plus que les Etats-Unis tablent sur la fin de la récession et se remettent au travail. J’ai toujours affirmé qu’ils sont le seul pays à avoir les clés de la survie, et ceci pour trois raisons : 1. Ils peuvent vivre en autarcie. 2. Lorsqu’ils sont dans le malheur, au lieu de compter sur l’Etat-Providence et de se lamenter, ils retroussent les manches et repartent de zéro. 3. Ils sont tous animés d’un forte sentiment nationaliste qui intègre aussi bien les noirs que les juifs, les mexicains que les descendants du Mayflower.
J'avais toujours affirmé que les banques n'apportent aucune richesse, elles permettent de la gérer sans apporter de réelle valeur ajoutée. Ce sont les industries, pour les produits de masse, les artisans et PME pour les produits de qualité, qui font la richesse réelle d'une nation, et elles sont rançonnées par les banques comme autrefois les paysans par les fermiers généraux. Et de fait ce sont les banques qui récoltent et gardent pour le confort de leurs dirigeants, l'essentiel de la richesse scripturale. Les excellents résultats de nos banques le confirment. Lorsque l'une est sacrifiée à des vindictes personnelles comme Lehman Brothers, nombreux sont qui , comme la Barclay's se partagent leurs dépouilles.
On apprend aussi que l'immobilier à DUBAI a baissé de moitié depuis l'année dernière. Les résidents, pour la plupart ont acheté leur appartement sans même les voir, pour des raisons purement spéculatives.
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