CHRONIQUE
DEFENSE ET ILLUSTRATION DU MINGEI
Il s'agit d'un thème traité abondamment dans les billets précédents. Aujourd'hui j'ai l'intention d'établir un premier effort de synthèse entre les différents ouvrages sur le sujet ou proches, comme l'histoire de la poterie, la cérémonie du thé etc.
Le néologisme MINGEI fut forgé par le Grand Maître Sõetsu Yanagi et deux amis potiers, vers le milieu des années vingt pour désigner les objets d'artisanat populaire par opposition à l'art léché et précieux de l'aristocratie, mais aussi l'objet manufacturé bon marché et industriel qui était méprisé. Il créa le principal musée d'art populaire du Japon, le Mingei-kan.
Malheureusement son concept tout à fait louable : honorer l'artisanat et l'objet fabriqué par main d'homme, fut dévié par un postulat indéfendable : il stipulait que tous les artisans se valaient, et que par conséquent, tous les objets étaient d'un qualité identique. Il niait ainsi le rôle de l'individu, son apport personnele et ses dons particuliers. C'était de la mauvaise foi tout simplement. En effet les objets qu'il rassembla dans son Mingei-Kan, étaient de toute évidence soigneusement choisis pour leur beauté, leur rareté, leur originalité. Cette contradiction fut déplorée d'ailleurs par de nombreux auteurs.
Tous sont bien placés pour savoir qu'entre une pièce commune de la fin EDO et une jarre d'époque Kamakura, les prix varient du simple au centuple. On est loin de la prétention à l'égalité des artisans et de leur production.
Paradoxalement son postulat fut vérifié Par son fils Söri qui réussit à l'appliquer à la lettre et produire des objets rigoureusement anonymes, et dont les fabricants étaient tout à fait anonymes. Il s'agissait tout simplement du design ! Ainsi Söri et ses amis, produisirent des objets plus ou moins élégants, et d'une froideur minimaliste et hygiénique, qui excluait toute traca artisanale. Pis encore, une dichotomie bien plus forte s'établit entre les machines et leurs mécaniciens d'une part, et les concepteur de l'autre, qui se prenaient, et pour cause, pour des artistes et non des artisans. Cette dichotomie était reflétée par les prix très bas atteints par le produit de masse, et très élevés attachés aux prototypes comme les designers français qui infusèrent leur science de la pureté minimaliste aux partisans du prétendu Mingei.
Une autre conséquence de cette déviation, est la perte du style et de la spécificité japonaises au profit d'un style international créé par les Saarinen, les Mies Van der Rohe, ou La Permanent de Copenhague. A vrai dire le désign italien ou scandinave avaient un style différencié par la culture de leur pays.
Ci-dessus, 4ème de couverture du tiré à part du N°163 de la Revue de de la céramique et du verre réalisé à l'occasion de l'expo "L'esprit mingei au Japon" organisée au musée du quai Branly, Paris.
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