Beethoven et le jeune Breuning
Introduction
Les années 1817 furent une épouvantable épreuve pour le pauvre Beethoven, à ce point qu'après d'une période d'une exceptionnelle fécondité, quelques pièces arides virent le jour. On peut y adjoindre deux fruits vénéneux et monstrueux: les sonates Hammerklavier Op.101 et Op. 106 bien décriées. La vie sentimentale était un désastre, après le suicide manqué de son trop aimé neveu, et les attaques de son ennemie "la Reine de la Nuit". Mais il y avait aussi les ennuis domestiques : impossibilité de trouver un domestique, un logement, un soutien. La solitude ponctué par la souffrance qui déboucha sur une double pneumonie. La surdité totale aggravait le sentiment de solitude extrême. Enfermé dans cet univers imaginaire les structures se développaient comme des arborescences autonomes dans l'air raréfié de son esprit. Il en vint pour assurer sa survie, à vendre à ses amis de Londres, des oeuvres encore inexistantes, dont la Xème Symphonie qu'il jouait quotidiennement et dont il subsiste des esquisses; mais qu'il n'eut pas la force de mettre au clair. Les londoniens généreux feignirent de croire aux livraisons fantômes et firent la quête pour subventionner son opération. Mais cela aggrava les angoisses du compositeur. "Si je survis à l'opératio, d'où vais-je tirer mes moyens de subsistance? se disait-il ? C'est qu'il n'était plus à la Mode à Vienne. Goethe ne voulait pas de son accompagnement qu'il destinait à Mozart. Mais celui-ci était mort et ce fut Rossini qui le supplanta dans le coeur des Viennois. Tous ses amis étaient morts ou dipersés. Un jour Hummel (un compositeur très réputé de l'époque, auteur des pièces très brillantes) vint en pélerinage pour le revoir, en dépit de sa chaise roulante. Lorsqu'il le rencontra il éclata en sanglots, ne pouvant que répéter: Ach! le pauvre homme! Ach, le pauvre homme !.
En fait le pauvre homme n'avait que peu de visiteurs. Le plus affectionné était un jeune de quinze ans, fils de Stefan von Breuning, qui avait pitié du vieil homme. Il venait le voir tous les jours muni souvent de confitures et d'une bonne bouteille de vin du Rhin. Stefan en dépit de son admiration pour le maître n'était pas trop enchanté de la nouvelle fréquentation de son fils, ce vieux, certes célèbre, mais peu joué, mal mis de sa personne, rude et excentrique. Ce n'était pas là un compagnon idéal pour un jeune homme de bonne famille. Mais Beethoven était si content, et des confitures, et de l'amitié de l'adolescent. Ce fut une petite lumière dans sa vie.
Lorsqu'on pense au combat titanique que l'immense génie livrait aux vieilles structures de la forme sonate, sa lutte indomptable pour ses visions déchirantes, où la souffrance se trasmuait en joie, ma gorge se serre. J'entends l'adagio del'Op.106, et surtout les esquisses de la Xeme Symphonie et le chant de désolation sur les malheurs du monde emplissent tout mon être.
Certes, j'ai joué toute ma vie durant l'Op.106, exploré dans les coins le labyrinthe, mais la clé se trouve là, cachée von Herzen zu Herzen.
Commentaires