Monday, 5 January 2009
CHRONIQUE
Principe de précaution
Ce billet est la continuation du précédent : "en relisant Goethe". Il est destiné à limiter les dégâts dûs à mon serveur à la noix, réseau orange.
En relisant Goethe (suite).
(Faust saisit le livre et prononce le signe de l'Esprit, l'air mystérieux. Une flamme rougeâtre s'allume, l'Esprit apparaît dans la flamme.
L'ESPRIT:
Qui m'appelle?
FAUST (détournant son visage)
Effrayante vision !
L'ESPRIT
Tu m'as attiré avec force,
tu as longtemps aspiré à ma sphère,
et maintenant...
FAUST
Hélas ! Je ne le supporte pas !
Commentaires
L'excitation de Faust se mue en terreur sacrée. Les points d'exclamation sont toujours aussi nombreux. Il ne peut supporter la présence de l'Esprit. Ce dernier le raille et lui reproche son manque de courage, en le traitant de ver craintif voulant échapper à son étreinte.
FAUST
Dois-je, être de flamme,reculer devant toi?
C'est moi, je suis Faust, je suis ton égal !
L'ESPRIT
Dans les flots de la vie, dans le torrent des actes,
je monte et je descends,
je souffle ici et là,
naissance et tombe,
océan éternel,
va et vient,
vie incandescente.
C'est ainsi que je travaille au métier sonore du temps
et ourdis le vêtement vivant de la divinité.
FAUST
Toi qui dans ton vol parcours le vaste monde,
Esprit industrieux, comme je me sens proche de toi !
L'ESPRIT
Tu ressembles à l'Esprit que tu conçois,
pas à moi ! (Il disparaît)
Ces vers splendides dénotes plusieurs réminiscences. L'ERDGEIST ressemble à s'y méprendre à Ariel, l'esprit de la Tempête, oeuvre ultime et ésotérique de Shakespeare. De même la description de l'Erdgeist est pleine de sous-entendus ésotériques qui acroissent sa puissance d'évocation. Plus tard, dans le début du second Faust, on entendra sonner les cloches du temps pour figurer le passage des heures. Schumann a mis en musique d'une façon remarquable la texture sonore qui imprime le texte et le son, de l'Erdgeist.
On admirera l'extrême concision du discours, les phrases courtes dont le sens déjoue la prétention de Faust. La scène se conclut sur un anticlimax : "tu ressembles à l'Esprit que tu saisis, pas à moi ! L'anticlimax se prolonge et s'accentue avec l'arrivée du cuistre Wagner en robe de chambre et en bonnet de nuit, une lampe à la main, intervention aggravée par ses propos prosaïques : "Pardon ! Je vous entends déclamer.; vous lisiez sans doute une tragédie grecque?
PROCHAIN BILLET : EN RELISANT SHAKESPEARE.La nuit des Rois.
CHRONIQUE
Citations
Je viens de terminer mon billet du 4 janvier et je vais essayer de prendre un peu de repos. A tout à l'heure.
Je suis tellement furax que je me laisse aller à écrire de mots quime sont inhabituels. Faute des moyens nécessaires, (un serveur professionnel ruineux) je dois me rabattre sur un serveur de m... Et s'agissant d'Orange, le mot est faible. C'est toujours la même erreur : une page apparaît inopinément m'annonçant que mont code est erroné (ce qui est évidemment faux). Lorsque je le réintroduit tout s'efface, en dépit du fait que j'enregistre presque à chaque paragraphe. Me voici donc contraint à recommencer ce billet, et vous constaterez par vous même que ce n'est pas un petit travail.
En relisant Goethe
Voici un des passages de Faust qui m'ont le plus impressionnés.
Le docteur Faust, blasé, parvient à entrer en communication avec l'esprit de la terre, der Erdgeist.
Des nuées se forment au dessus de moi...
la lune voile sa lumière...
la lampe s'éteint...
une vapeur s'étend !
Des raies rouges palpitent
autour de ma tête... un frisson glacé
tombe de la voute
et me saisit !
Je le sens, tu planes autour de moi, Esprit que j'implore,
démasque-toi !
Ah ! Quel déchirement dans mon coeur !
Tous mes sens
s'exaltent en sensations nouvelles !
Je sens que tout mon coeur t'est livré !
Il le faut ! Il le faut ! M'en coûtât-t-il la vie !
Commentaires
Deux signes de ponctuation nous frappent par leur abondance, 1. les points d'exclamation (9 pour 15 vers) 2. les ponts de suspension (4 qu'il faut interprêter dans le texte allemand par des tirets, qui loin de représenter une hésitation, ont pour fonction d'imprimer au texte un débit saccadé.
A suivre dans le prochain billet pour éviter les accidents.
Sunday, 4 January 2009
CHRONIQUE
Réminiscences
Non. Je n'ai pas été malade. Pas au point de ne pas rédiger mon blog, en tout cas. J'ai simplement décidé de dormir. Dormir c'est tomber pendant trois à cinq heures dans la torpeur des anesthésiques. Pendant ces heures, une douleur agaçante ne me laisse pas de répit, ce qui fait que bien souvent mes yeux se ferment pendant mes consultations. Mon esprit est alerte, je suis tout ouïe mais mes paupières sont closes. J'en avertis évidemment mes clients qui sont ravis, car enfin, ils peuvent s'exprimer librement! En effet j'ai également du mal à parler.
Une des raisons de mon absence du blog a été également la mise au point des dix départements de la deuxième fondation. Si elle voit le jour, ce sera la plus haute densité d'information publiée, monnaies comprises. Je dis densité et non contenu ou richesse. Toute la centaine de pièces récoltées ou prévues au programme, se trouvent certes dans la plupart des grandes bibliothèques publiques ou des prestigieuses fondations comme Getty à Malibu. Mais elles sont noyées dans une bonne centaine... de mille livres de qualité comparable ou supérieure. Tirer un enseignement synthétique d'un tel océan, est pratiquement impossible, outre la difficulté d'accès aux pièces.
Cette lisibilité est améliorée par la présentation hautement structurée qui dégage des groupements qui parlent à tous : grands voyages, découvertes scientifiques, image de l'homme sur lui-même.
Chacun des regroupements ou "départements" présentent leur contenu d'une manière dynamique, chronologique, qui fait ressortir l'évolution des idées et de la pensée humaine au travers de ses médias. Ainsi l'héliocentrisme succède à Ptolémée qui pensait que la terre était plate et le centre de l'univers, vision conforme à la bible qui dit que Dieu arrêta à Jericho la course du soleil pôur protéger les juifs. Galilée, dont nous avons un des trois exemplaires dédicacés de la popularisation de Copernic dut abjurer ses idées pour ne pas subir le sort de Giordano Bruno, brûlé vif.
J'ai beaucoup de mal à compléter mon travail, tant la matière devient foisonnante (l'évolution de la litterature et de la poésie, que choisir?).
Grâce à Claude Burgan pour les monnaies et Stéphane Chavreuil pour les éditions originales, il a été possible de constituer un "chemin de fer" qui sert de guide au choix des pièces. J'ai l'intention d'éditer en très petite quantité les résultats de ce travail, et les mettre à la disposition des internautes, moyennement une participation aux frais (encre, papier, photocopie, reliure). Avis aux amateurs!
Je suis furieux. La mention " vous avez entré un code erroné" (ce qui est évidemment faux) est reparue, effaçant la majeure partie de mon billet ! Il me faut tout recommencer.
À propos de la "sonate au clair de lune"
Cette oeuvre rabachée me donne l'occasion de comparer trois niveaux de compréhension.
Nous rencontrons le premier, dans l'ouvrage de Guy Sacre : La musique de piano, dictionnaire des compositeurs et des oeuvres (Robert Laffont 1998). Mais on est loin des ouvrages populaires anglo-saxons, accessibles et primaires. La prose de Sacre est une bouillie typiquement française où la prétention au style précieux et la recherche du mot original, se conjugue à des notations subjectives et des jugements à l'emporte pièce. A propos du premier pouvement de l'Op.27 N°1 Quasi una fantasia, il attribue le titre au poète Rellstab qui le pardonne d'avoir "évoqué un clair de lune sur le lac des Quatre Cantons". Si l'on tient compte du contexte, il s'agit d'une plaisanterie destinée à dissiper l'atmosphère oppressante que Beethoven imprimait à son jeu. Il serait question par antiphrase " d'une promenade en barque de deux amoureux sur le lac des Quatres-Cantons".
On trouve chez Sacre des formules éclairantes telles : " Est-ce un thème d'ailleurs? Berlioz y voyait, plus justement, "l'efflorescence mélodique de cette sombre harmonie" Morceau indéniablement nocturne, et déjà, avant Brahms, une berceuse pour les douleurs.
Pour Guy Sacre, la fin est murmurée, "enfouie au plus profond du clavier alors que le thème de l'allegretto est naïf et étonné."
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Ça commence bien : "Frappant est le début de la "sonate au clair de lune",... les sonorités gentiment voilées, la mesure en deux temps endépit de la mention "Adagio Sostenuto" qui empêche la musique de devenir lugubre. Ludwig Rellstab, un critique musical, affirma que l'ambiance du premier mouvement lui rappelait la magie du clair de lune sur le lac de Lucerne.
Pour le reste, l'universellement applaudi (d'après l'éditeur) Robert Taub, offre des indications qui rappellent les recettes pour préparer un bon pudding de Noël. "Culinarisch" pourrait -on dire méchamment. Cela rappelle les éditions raisonnées de Schnabel, mais un degré au dessous. La photo où Taub essaie de paraître un concertiste professionnel, est empreinte de sérieux et de conscience professionnelle.
Enfin, une édition professionnelle ! Jones s'interroge sur le sens et la conception de la Sonate, plutôt que de notes subjectives d'interprétation ou pire. On y découvre des données tangibles qui changent radicalement notre apprehension de cette oeuvre rabachée.
Tout d'abord Jones situe l'oeuvre dans le contexte musical de l'époque, celui que connaissait le public et auquel le compositeur se conformer : le genre " funèbre". Ses dispositifs formels en relation avec la mort et la souffrance ont été développés pendant tout le XVIIe et le XIIIe siècle. Citons : Un lamento à la basse, formes mélodiques dérivées du plain-chant, formules d'accompagnement répétitives, figures chromatiques. Jones montre comment Beethoven utilise ces dispositifs avec une flexibilité inédite. Le glas se retrouvera dans la marche funèbre sur la mort d'un héros, où dominent les notes pointées.
Après avoir cité les musicologues les plus autorisés, Jones met en évidence la complexité formelle et préméditée de l'AdagioSostenuto, et notamment la fusion entre la forme sonate et la chanson strophique. Mais au lieu d'une confrontation dialectique, on découvre une permutation incessante du matériau dont l'apogée domine au centre du mouvement. Par ailleurs le potentiel expressif et la forte tension harmonique, sont constamment étouffés par Beethoven, comme si les harmonies compressées étaient plus que le mouvement pouvait supporter.
Jones met en évidence les liens entre l'Allegretto et l'Adagio Sostenuto qui justifient l'attacca qui fait du 2ème Mvt, un prolongement du premier. En revanche le presto agitato doit être bien séparé. Tout le drame latent du premier mouvement explose dans le finale vengeur qui n'est qu'une recomposition du début, sous une forme sonate particulièrement rigoureuse, plus même que n'importe quelle oeuvre antérieure.
Il est évident que l'étude sérieuse de l'oeuvre conduit à une interprétation et une exécution radicalement opposée de celles entendue chez les concertistes les plus illustres, qui se conforment à une tradition romantique.
Continuer à lire "Le journal du 4 janvier 2009"
Thursday, 1 January 2009
CHRONIQUE
Bonne année
Bruno Lussato
Monday, 29 December 2008
CHRONIQUE
Le regard
Un regard, un sourire, un débit animé, presque exalté, une voix rieuse en présence de l'autre... Je décris le jeune homme le plus glacial, le plus silencieux, que je connaisse, celui dont il est question dans le livre de L.H. L'autre, c'est son père, objet de son adoration. Ce dernier est malade, et le garçon ne bouge pas de son chevet. Tant d'amour me bouleverse. Qui aime autant est capable du meilleur. S'il vous dédaigne, s'il vous repousse, en dépit de votre dévouement, il faut vous interroger. Vous êtes coupable d'avoir construit une fausse relation, d'avoir forcé sa reconnaissance, d' avoir tenté de de le culpabiliser.
Sunday, 28 December 2008
CHRONIQUE
De l'Art et de la cohue
Les caprices de mon serveur m'ont empêché de vous parler de ma visite de l'Exposition : Dufy, le plaisir.
Autant Emile Nolde était déserté, autant on se pressait chez Dufy. L'avantage de ces grandes retrospectives est qu'elle révèlent des aspects rares et insoupçonnés du peintre.
On s'attendrait chez l'artiste des débuts placés sous le signe des plus légers des impressionnistes, ou des féériques décors de Chagall pour la Flûte Enchantée. Mais c'est Cezanne, le construit, le sévère, l'austère, qui l'influence jusqu'à l'imitation obsessionnelle. On se situe alors avant la grande guerre mondiale. Le souci de solidité architecturale se conjugue avec des teintes sombres et tragiques, rappelant Gromaire. C'est la deuxième période de Dufy, toiles de grande taille, monumentales et lugubres.
La troisième période déclenche, on l'a vu, une explosion créatrice qui n'a d'égale que la variété des genres et des matières.On peut alors parler de plaisir, de jouissance, et... il faut le dire, de séduction destinée aux gens de goût et aux mécènes. Il faut tout particulierement noter les tissus d'ameublement et les motifs art déco. Mais où Dufy se dépasse c'est dans les dessins et décors pour de magnifiques vases rapellant la poterie grecque.
J'ai la chance (ou la malchance) d'avoir un papier d'handicapé, ce qui nous évite, moi et mes accompagnateurs de faire la queue. Mais, comme tout le monde, je suis noyé dans une marée de têtes qui m'empêchent de contempler les oeuvres. Le plaisir sous-titre de l'exposition en est irrémédiablement gâché.
La quatrième période est placée sous le signe de la musique et culmine avec "le violon rouge" du Musée d'Art et d'Histoire (qui abritait jadis quatre salles pédagogiques portant mon nom, que diable vient-il faire là aujourd'hui ?). ) Les peintures ont une légèreté d'aquarelle, elles sont aériennes, féériques, et c'est à cette période que Dufy doit sa popularité.
Je crois qu'on doit à un maréchal de Napoléon qui voyait pour la première fois la mer et sommé de donner ses impressions les fortes paroles : "que d'eau, que d'eau !"
Jeff Koons
Si dois résumer mes impressions de l'exposition Koons à Versailles, je m'exclamerais :"Que de monde, que de monde! "
Au sépart, en bon mouton de l'élite, j'anonnerais " c'est Koons, quel succès époustouflant, on comprend que devant une telle popularité, le marketing l'ait propulsé au premier rang des valeurs artistiques contemporaines".
Mais en interrogeant les bee bee bee! qui envahissaient les lieux,plus encombrés qu'un RER un jour de grève, on découvrait la réalité. Nul parmi les Anglais, les Espagnols, les Lettons, les Chinois, les Mexicains, les Tcherbrousks, les Neo-zélandais, et j'en passe, on découvre que nul ne connait Jeff Koons. Ils viennent tout bonnement visiter Versailles. En cette dernière semaine de l'année, il doivent affronter un océan agité de centaines, de milliers de visiteurs, mais ils ont peut-être raison. Car la façade principale a été rénovée et les plombs dorés brillent sur un ciel d'un bleu d'une pureté invraisemblable.
Les boules qui constituent les corolles de l'immense fleur métallique d'un or acide, reflètent en une anamorphose aplatie les bâtiments qui prennent des airs de Canaletto.
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En revanche l'énorme chien d'un rouge lie-de-vin qui envahit une des salles produit un effet désastreux. On sait que le Roi Soleil jaloux de Fouquet, voulut faire mieux que Vaux-Le Vicomte, cette merveille d'équilibre et de distinction. Il fit plus grand, plus riche, plus doré, plus prestigieux.
Comme il était très pressé, il fit de la peinture mythologique au mètre, comme les parvenus achètent pour faire cultivé, de la reliure ancienne au mètre et des portes d'or ciselé et sculpté admirables de perfection artisanale. Mais il faut convenir que tout cela était noirâtre et terne, d'une grande monotonie, mais grandiose.
Le constraste entre l'humour populaire et ludique de l'un et le guindé de l'autre, était frappant. Il faut bien reconnaître que Koonz l'emportait, il tuait son environnement.
Interrogés, les guides, les gardiens,les familiers du palais faisaient la grimace. Pouah, quelle horreur !
Bruno Lussato
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